Au nord des Pyrénées, entre l’Adour et la Garonne, le terroir se décline au pluriel. Le Bas-Armagnac, l'Armagnac-Ténarèze et le Haut-Armagnac constituent ensemble un vignoble représentant 15000 hectares de vignes plantées sur une partie des trois départements : le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne. Les terroirs de l'Armagnac ainsi que sa méthode d'élaboration répondent à des règles définies par l'Appellation d'Origine Contrôlée (AOC), obtenue par cette eau-de-vie dès 1936.
Le climat y est tempéré et doux. L'influence océanique, humide, atténuée par la forêt des Landes, est surtout sensible dans l'ouest de l'Appellation. A l'est, c'est le climat méditerranéen d’origine languedocienne qui s'exprime avec le vent d'autan.
Avant tout, l'Armagnac est un produit artisanal, élaboré en petite quantité par des vignerons et des maisons de négoces porteurs d'un savoir-faire ancien. La diversité des terroirs et des cépages donnent à cette eau-de-vie une personnalité riche, diversifiée, proche de la nature et des hommes qui la font.
L'Armagnac est la plus vieille eau-de-vie de France
Des traces irréfutables de sa production et de sa consommation remontent dès le XIVème siècle et plus loin encore, au temps de la Rome toute puissante qui a introduit la culture de la vigne dans nos terres. Les arabes plus tard apporteront l'alambic puis les Celtes l'utilisation des fûts.
Plus tard, dès 1310, Maître Vital Dufour, prieur d'Eauze, évoque dans un traité de médecine retrouvé au Vatican les quarante vertus de cette eau-de-vie. Entre le XVème et le XVIIème siècle, les preuves du commerce de l'Armagnac se multiplient (marchés de St Sever, Mont-de-Marsan, Aire-sur-Adour,…).
Mais l'Armagnac doit réellement son développement commercial aux Hollandais. Alors que les Anglais interdisent le passage sur la Garonne de tous les vins autres que ceux de Bordeaux, les Hollandais ont l'idée de développer la distillation des vins de Gascogne afin de produire de l'eau-de-vie qui, elle, ne subit pas d'embargo. La production s'accélère alors et pour pallier les fluctuations des bonnes et mauvaises années, l'Armagnac est mis en réserve dans des fûts de chêne. On découvre alors miraculeusement la rondeur, la complexité aromatique, la couleur de ce mariage sublime entre le chêne et l'eau-de-vie.
Plus tard, le 25 mai 1909, la région s'organise avec un Décret délimitant une zone de production et le 6 août 1936 l'Appellation d'Origine Contrôlée Armagnac est officiellement créée.
Les 40 vertus de l'Armagnac
Si l'Armagnac est la plus ancienne eau-de-vie de France, elle fut à ses origines consommée pour ses vertus thérapeutiques. Des documents exceptionnels en attestent, notamment celui de Maître Vital Dufour. Cet homme d'église, nommé Prieur d'Eauze et de Saint Mont, fit des études de Médecine et écrivit un ouvrage daté d'environ 1310 conservé aux archives du Vatican:
- "De Maitre Vital Dufour ... livre très utile pour conserver la santé et rester en bonne forme... " :
- "Cette eau, si on la prend médicalement et sobrement, on prétend qu'elle a 40 vertus ou efficacités. Elle aiguise l'esprit si on en prend avec modération, rappelle à la mémoire le passé, rend l'homme joyeux au dessus de tout, conserve la jeunesse et retarde la sénilité..."
L'armagnac et la science
Des travaux scientifiques récents montrent que cette eau-de-vie a des capacités antiradicalaires avérées. Ses propriétés sont dues aux tanins du bois qu'elle renferme grâce à un long processus de vieillissement en fûts de chêne. Une équipe médicale vient également de mettre en évidence le rôle protecteur d'un Armagnac vis à vis de l'agrégation des plaquettes sanguines (un des facteurs des maladies cardiovasculaires). Toutes ces observations tendent à prouver que la consommation modérée d'Armagnac (et c'est bien de cette façon là qu'il est apprécié) participe, avec tous les produits gastronomiques du Sud Ouest de la France, à un régime alimentaire et un mode de vie qui favorisent la bonne santé des habitants de la région.
La distillation de l'armagnac
La distillation se pratique pendant l'hiver. Le vin est souvent distillé à la propriété, parfois avec l'aide d'un distillateur ambulant (ou " bouilleur ambulant ") qui va ainsi de chai en chai distiller le vin des vignerons ou également dans des ateliers de distillation : bouilleurs de profession ou caves coopératives.
L'essentiel de l'Armagnac (environ 95%) est obtenu avec un alambic en cuivre pur très spécifique à cette eau-de-vie : objet d’un brevet déposé en 1818, adapté, modifié et amélioré par les distillateurs de la région. Il participe véritablement à la personnalité de l'Armagnac.
Dès sa distillation, l'Armagnac est mis en vieillissement dans des " pièces " : fûts de chêne de 400 litres issus pour l'essentiel des forêts de Gascogne ou du Limousin. Ces pièces sont entreposées dans des chais, où la température et l'humidité sont des paramètres influents pour la qualité du vieillissement, et sous la surveillance du maître de chai.
Les eaux-de-vie restent en pièces neuves jusqu'au moment où la dissolution des matières du bois est optimale. Elles sont ensuite transférées dans des fûts plus âgés pour éviter un goût de bois excessif et continuer leur lente évolution : les substances boisées s'affinent, des arômes de vanille et de pruneau se développent, le caractère " rancio " apparaît, et le degré alcoolique diminue progressivement par évaporation de l'alcool baptisée " Part des anges ". L'eau-de-vie prend une belle couleur ambrée puis acajou.
L'assemblage de l'armagnac
Lorsque le Maître de Chai estime le vieillissement suffisant, il commence les coupes, c'est-à-dire l'assemblage harmonieux de plusieurs eaux-de-vie d'origine et d'âge différents. Le degré de consommation (40 % vol. au minimum) peut s'obtenir par addition progressive de "petites eaux" constituées par un mélange d'eau distillée et d'Armagnac.